Alain Bronec : « La moto en France a besoin de porte-drapeaux, la FFM y travaille »
Alain Bronec jouit d’une double casquette dans le paysage français de la moto. Team manager du CIP, sa propre écurie, il occupe également les fonctions de responsable sportif auprès de la FFM.
Nous l’avons donc rencontré pour évoquer le début de saison de ses pilotes, Juanfran Guevara et Alan techer, mais également pour débattre de la crise que la moto française traverse.
Suivez le guide.
GPi : Alain Bronec, après 5 Grands Prix, quel bilan tirez-vous de ce début de championnat ?
Le bilan n’est pas fantastique puisque nous n’avons toujours pas marqué de points. Nous nous sommes aperçus que nos pilotes étaient plutôt rapides et on voit que certaines choses fonctionnent assez bien.
A côté de ça, on a un petit problème de déficit de puissance avec les moteurs Honda et à Jerez, Alan Techer a cassé son bloc ce qui a précipité sa chute.
Pour nous, ce n’est évidemment pas bien du tout car nous sommes en compétition et l’objectif est de rouler le plus vite possible en sachant qu’il faut absolument éliminer tous les problèmes mécaniques pour que les pilotes soient sereins lors au moment d’attaquer les week-ends de course.
GPi : cette saison, vous avez donné la chance à un jeune espagnol, Juanfran Guevara, quelle est l’histoire de son arrivée au CIP ?
Mon métier, c’est de détecter de jeunes pilotes. Juanfran, je l’ai vu rouler l’an dernier en Championnat d’Espagne et j’ai trouvé qu’il y réalisait des choses très intéressantes.
Pour moi, travailler avec un pilote espagnol, c‘était quelque chose de nouveau et il s’avère que nous avons commencé à discuter très rapidement, vers le milieu de la défunte saison mais on n’a pu se mettre d’accord qu’au Grand Prix de Valence. C’était compliqué avec la Dorna qui, en raison du nombre de pilotes espagnols, n’était pas enthousiaste à l’idée d’en ajouter un supplémentaire. Mais pour nous, c’était vraiment très intéressant car Juanfran est un des meilleurs pilotes de sa génération.
Jusqu’à présent, il a un peu de mal à concrétiser mais il a aussi réalisé de belles choses et notamment lors des essais IRTA où il a obtenu de bons chronos à Jerez. Il y a des choses intéressantes même si on manque un peu de réussite en ce moment.
GPi : Du côté d’Alan Techer, la barre, on la fixe où ?
C’est sa seconde année et pour bien faire, il doit être là tous les week-ends. Jusqu’à présent, il fait toujours l’une ou l’autre belle chose mais maintenant, on doit mettre tout bout à bout pour arriver à réaliser un bon Grand Prix.
GPi : Côté moteur ?
On attend des nouveautés. Le Grand Prix de Jerez a été déterminant pour Honda. Il y eu beaucoup de casses et le fait qu’il y en ait eu une en course et qu’en plus, elle provoque la chute d’Alan, a servi de déclencheur. Du coup, les gens du HRC se sont occupés plus attentivement de ce problème.
On espère évidemment que Honda va faire quelque chose sur la fiabilité mais aussi sur la performance car nous sommes est assez proches d’autres écuries utilisant les moteurs japonais et on constate qu’on casse énormément de moteurs. C’est totalement contreproductif de savoir qu’on doit bagarrer contre les KTM mais que pour des soucis de sécurité, nous sommes obligés de réduire les performances.
GPi : Coté châssis ?
Si on pouvait garder un bon niveau de performance tout au long du week-end, comme c’est parfois le cas en session, on pourrait continuer à faire évoluer le châssis. Mais là, c’est compliqué parce que parfois, nous sommes bien et puis la séance suivante, nous sommes en difficulté. On a donc du mal à faire évoluer la machine mais la base est intéressante.
GPi : Dans une saison idéale, les pilotes CIP, ils doivent se trouver où ?
Dans une saison idéale, on aurait dû marquer des points avec nos deux pilotes lors de chaque Grand Prix (rires). Plus sérieusement, Alan devrait terminer dans les 10 premiers du Championnat et Juanfran devrait être là aussi. On a quatre Grands Prix en Espagne, sur des circuits qu’il connaît extrêmement bien et donc, dans l’idéal, on devrait réaliser quelque chose d’intéressant.
Etre dans le top15 ou le top10, c’est quelque chose qui nous parle mais c’est vrai qu’on a plutôt mal commencé.
GPi : Parlons d’autre chose. Quel est votre rôle à la FFM ?
A la FFM, je suis responsable sportif c’est-à-dire que je m’occupe de la détection des jeunes talents ; je me rends sur les championnats nationaux où roulent des motos de moins de 25 chevaux.
Ensuite, je m’occupe du challenge de l’avenir où on peut commencer à rouler, en championnat de France, sur des Moto3 complètement d’origine à partir de 13 ans.
Après, je m’occupe également de l’équipe de France où on roule sur des Moto3 et des Moto2 complètement similaires aux motos de Grand Prix d’abord pour des entraînements et puis pour des courses en Espagne dans le CEV.
C’est la filière française pour faire la promotion de nos pilotes. Elle est mise en place par la FFM et moi je travaille pour la fédération à ce titre-là.
En parallèle, je m’occupe du team CIP qui est un team privé mais aidé par la FFM et Claude Michy puisque nous employons un pilote français.
GPi : La moto n’a pas très bonne presse en France, c’est un frein à vos activités et au développement sportif des deux roues dans l’hexagone ?
C’est très compliqué et je pense qu’il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu. Effectivement, on s’aperçoit que la moto n’a pas toujours bonne presse et on constate qu’il nous manque probablement un pilote de pointe qui se bat aux avant-postes pour ramener un peu de retombées médiatiques.
C’est pour ça qu’on travaille avec la fédération pour amener de nouveaux pilotes. J’étais à Monza pour la manche Superbike et il y a un jeune pilote, Florian Marino, qui termine second et j’ai travaillé un peu avec lui lors du week-end. Il y a des choses intéressantes qui sont en train de se passer et des transferts sont possibles.
La fédération et moi-même sommes attentifs à ce qui se passe dans les autres catégories pour pouvoir dire « attention, le championnat Superbike est également un championnat du monde et il y a des gamins qui font des podiums ».
GPi : Des décisions comme celle de supprimer la diffusion des Grands Prix sur les chaînes gratuites pénalisent également le travail de la fédération ?
Oui, très certainement, mais d’un autre côté, on s’aperçoit que ça devient extrêmement compliqué. On ne peut pas condamner en gardant les yeux fermés. Si nous avions un pilote qui se bagarrait pour le titre, les chaînes seraient peut-être plus tentées par la diffusion des Grands Prix.
Qui doit commencer, à qui revient la faute ? Ce sont des questions dont les réponses ne sont pas évidentes.
On s’aperçoit qu’Eurosport va retransmettre les essais libres de toutes les catégories et l’entièreté du week-end de course. Alors, le support de cette chaîne est également très intéressant pour nous.
C’est vrai que pour l’instant, on manque de presse autour de la moto mais peut-être aussi qu’on manque de champions et on est en train de travailler sur leur éclosion.
GPi :Johann Zarco pourrait être un des champions dont on a besoin ?
Johann, après un début de saison compliqué, vient de démontrer qu’il a un excellent potentiel donc il fait partie des bons pilotes. Mike Di Meglio roule aussi plutôt bien même s’il manque un peu de réussite pendant les courses. Pour Louis Rossi, c’est un peu plus compliqué puisque c’est sa première saison dans la catégorie intermédiaire. Alexis Masbou réalise de bons résultats et on espère qu’Alan techer va suivre. Tous ces garçons peuvent un jour se retrouver en Moto2 ou dans la nouvelle catégorie qui va se créer, qui sera une CRT un peu améliorée ».