Alors que le Championnat du Monde MotoGP a repris ses droits et que comme la plupart d’entre vous, nous piaffons d’impatience à l’idée de voir les moteurs rugir sur les pistes du monde entier, d’autres, comme Eric Offenstadt et son équipe, continuent leurs recherches pour ramener une moto de conception française parmi l’élite.
Quoi ? Une moto française en course d'endurance ? Un concept tricolore ? Parfaitement !
Pour les adeptes des revues spécialisées ou les membres du groupe facebook « une moto française en MotoGP », le sujet n’est pas neuf. Toutefois, c’est aussi de ceux qui, aujourd’hui encore, viennent de se poser les trois questions précédentes, qu’Eric Offenstadt a besoin.
Mais commençons par le début, la remise en question de plusieurs décennies de recherche du monde des deux roues.
Certains conformistes imperméables aux nouveaux courants de pensée vont probablement avoir envie de mettre un terme anticipé à leur lecture mais pourtant, si vous lui accordez dix petites minutes, le GECO pourrait bien vous étonner.
GECO, c’est le nom du prototype qui, aujourd’hui à l’étude, pourrait, si on lui en offre les moyens, se concrétiser sur les circuits et donner aux français l’orgueil et la fierté qui, en 2007, a comblé les tifosi de la Ducati.
A la base de ce projet novateur, on retrouve une notion clé, la fonction homocinétique (utilisée en F1 depuis 50 ans).
GPi : Eric, comment en es-tu arrivé à vouloir créer une alternative à la suspension traditionnelle ?
Pour parler populaire, je dirais que j’ai mis 35 à comprendre comment fonctionnait une moto. Après avoir arrêté de courir, je suis rentré dans une société de la plus grande zone industrielle de l’époque française, près de Pontoise et on y a construit la première transmission arrière homocinétique mais sans le savoir, c’était purement intuitif.
A cette époque, nous avions construit un bombardier avec une transmission arrière qui réduisait l’usure du pneu et ça s’entendait directement au bruit lorsqu’elle passait sur les bosses. La transmission supprimait les accélérations de roue parasites.
Ensuite, c’est en travaillant pour les fourche W.P., qui avait loué un de mes brevets, et Aprilia qui m’avait demandé de lui construire une suspension avant alternative, que je me suis rendu compte que ce qui avait l’air très compliqué, à savoir les accélérations de roues parasites, était ce qui provoquait toute l’adhérence et toutes les réactions entre la machine et son centre de gravité.
GPi : est arrivé ensuite le proto Tecmas…
Ça, c’est 5 ans plus tard et cette fois, nous avons travaillé sur l’avant et sur l’arrière. Sylvain Guintoli l’a essayé. Il tournait à 1,2 seconde des Ducati d’usine au test Michelin (même jour, même pneu) avec le vieux proto Tecmas 500 bicylindre. Malheureusement, l’écurie n’avait pas un sous et ne pouvait pas construire.
A l’époque, Sylvain avait demandé à son écurie en 250 de monter les T de fourche sur son Aprilia, ce qui a été refusé. C’est dommage puisque lorsqu’il a été interviewé par Moto Revue il y a de ça deux ans, il avait déclaré avoir enrhumé Bayliss, or, à l’époque, je ne pense pas qu’il roulait aussi vite que l’Australien.
Tecmas a été viré des Grands Prix par la Dorna et n’ayant plus les fonds nécessaires, le proto a été vendu à un particulier.
GPi : Après cette mise en bouche, on en arrive à ne plus tenir en place. Qu’est-ce que le principe homocinétique ?
Le principe homocinétique, qui est présent sur les voitures depuis 1963, signifie que les bosses ne font pas accélérer ou décélérer les roues c’est-à-dire qu’il n’y a pas de perte d’adhérence des roues en passant sur les bosses.
Les cardans homocinétiques sur les voitures ont 50 ans ! En Formule un, ils vont jusqu’à traquer la fonction homocinétique au centième de millimètre. Ils vont même jusqu’à calculer l’influence de chaque coup de piston 600 fois par seconde sur l’accélération de la roue tellement c’est néfaste à l’adhérence tandis que nous, les motards, on a 45 millimètres à l’avant !
En fait, sur les motos, on a un tas de défauts homocinétiques et tout le monde s’en fou. En fait, on ne s’est jamais posé la question.
GPi : et le GECO là-dedans, il en est où ?
Le GECO c’est une des applications de ce principe, aussi bien au niveau de la suspension avant que de la suspension arrière.
Sur notre groupe Facebook, nous avons monté une association afin de récolter un peu de fonds. Nous avons déjà pu recueillir 10.000 euros et c’est déjà énorme car nous partions sans le moindre budget et aujourd’hui, il est de 25.000 euros. Nous pouvons respirer un tout petit peu: Mais c'est juste assez pour la mettre sur roues. Quand on voit le budget que trouve le père d'Abraham pour faire quelques points au championnat, c’est un peu triste. Notre projet en est à une quarantaine de pages dans la presse avec 0 euros de budget et c’est pour nous difficile de comprendre que certaines personnes dépensent autant d’argent pour aussi peu de retombées, mais c’est un autre débat.
GPi : Tu as tout de même reçu quelques soutiens ?
D’abord, par l’intermédiaire de Christophe Guyot que je remercie, Eric de Seynes nous a prêté une R1 et le service "recherche compétition" de Michelin nous offre sa collaboration technique. Ensuite, nous pouvons également compter sur le soutien de Spem, de l’Université de technologie de Montpellier, de Paul Mas, de l’Assurance mutuelle des motards, de TS, de Titan, de Rome motos, de France équipement et du Lycée Jean Moulin de Béziers.
Maintenant, nous avons un stagiaire qui se consacre entièrement au dessin de pièces.
Certaines pièces sont usinées mais cette moto, c’est 15 fois plus de travail qu’une machine traditionnelle parce que tout est à dessiner alors que sur une moto traditionnelle, tout est dessiné depuis toujours, il n’y a pas d’étude de géométrie ou de calculs de cinématique à faire, il suffit de commander la fourche chez Öhlins. C’est finalement assez simple pour faire une moto dans le coup, il suffit d’en prendre une qui gagne et la copier !
GPi : Si tout se passe comme prévu, quand voudrais-tu présenter la moto au public ?
Pour l’instant, le programme prévoit que nous allons essayer de présenter la moto pour la manche du Superbike à Magny-Cours. Mais la rapidité est entièrement liée au financement. Plus nous récoltons de fonds plus vite nous allons pour faire usiner des pièces. Pour le moment, nous faisons tout à l’ancienne, par des bénévoles et au meilleur tarif possible.
GPi : Une idée de qui va l’essayer ?
Je sais déjà que ce sera Bruno Vecchioni qui fera le premier déverminage, histoire de voir quand on passe la première, si la moto roule et quand on freine, si ça freine.
Après, le pilote pressenti pour le développement, c’est Thomas Métro. Evidemment, Thomas est fort typé Ducati et ce n’est pas certain qu’il puisse nous donner des renseignements comparatifs avec une R1.
De suite après, ce seront les pilotes de Christophe Guyot qui prendront le relais à moins que Thomas Métro ne se mette dans le coup directement.
Le développement sera compliqué car nous avons à dégrossir des tas de choses complètement inconnues jusqu’à maintenant.
GPi : Et au niveau de l’électronique ? Quid ?
Les essais, nous allons les mener avec un moteur stock et une électronique basique.
GPi : Elle te permettra tout de même de récolter des données utiles ?
Il s'agit de comparer les chronos de notre moteur R1 "STOCK" avec une R1 "stock". Le souci c’est que cette moto-là est tellement différente, que même l’électronique la plus sophistiquée ne pourra pas marcher. On a intérêt à travailler avec l’électronique la plus basique dans le sens où une électronique sophistiquée aurait pour effet de corriger les avantages que notre technique pourrait produire. Par exemple, la moto, à l’arrière, ne se lèvera plus au freinage ou plutôt, elle se lèvera mais avec beaucoup plus de puissance, il faut également mettre beaucoup plus de puissance à l’accélération pour lever la roue avant…donc l’électronique va nous réduire la puissance et en conséquence, elle ne va pas nous avantager.
GPi : Et concrètement, quel gain peut espérer amener le GECO ?
Le gain au niveau de l’adhérence, on ne sait pas bien ce que ça peut donner puisqu’actuellement, les pneus sont conçus pour des suspensions qui travaillent mal ! Par exemple, si on utilise les Michelin (Avec qui nous collaborons) qui ont été fabriqués pour une 1000 : les pneus ne vont pas chauffer puisque notre suspension va être parfaite au niveau grip mécanique.
Avec notre suspension, on va pouvoir utiliser des pneus beaucoup plus tendres donc on va gagner sur l’adhérence mais aussi sur l’adhérence des pneus.
Le jour où il va faire chaud et que les autres vont devoir passer les durs et que nous, nous pourrons mettre les tendres, on pourrait, si la mise au point est aboutie, leur mettre une valise. Et puis, le jour où il fera plus froid et que nous serons obligé de mettre les mêmes pneus qu’eux, c’est nous qui allons la prendre la valise. On ne peut donc pas répondre à cette question dans ce domaine.
Par contre, sur le système à trois amortisseurs qui permet de freiner 12% plus tard et d’accélérer 12% plus fort avant le délestage, on peut chiffrer assez facilement.
Mais pour freiner plus tard, il faut aussi que le pilote en soit capable car il faut avoir du courage. Quand on a essayé le proto Tecmas qui freinait 8% plus tard, Guintoli a mis une demi-journée pour y arriver. Et j’ai tendance à dire qu’il a de la chance de n’avoir eu besoin que d’une demi-journée car d’autres n’y sont jamais arrivés.
En fait, pour pouvoir utiliser un truc comme ça, il faut un des 20 meilleurs mondiaux car le mec qui ne lève déjà pas la roue au freinage avec une moto normale, c’est évident qu’il ne va pas pouvoir freiner plus tard avec le GECO ».
Comme Eric Offenstadt vous en a parlé, avec l’aide quelques personnes, il a monté l’association PROGECO MOTO et un de ses objectifs est de permettre de récolter des fonds en toute transparence.
Si vous désirez, vous aussi, participer à ce projet et que vous avez envie d’y contribuer financièrement, il vous suffit de cliquer ici.
Si par contre vous n’avez pas envie de débourser de l’argent mais que le projet vous a enthousiasmé, vous pouvez rejoindre Eric sur la page Facebook de l’association en cliquant iciou simplement en parler autour de vous ou encore, partager cet article ou un de ceux de nos excellents confrères que sont par exemple nos amis de Sport Bikes, de Moto Revue, de Moto-Sport Suisse…
Nous terminerons cet article inédit pour GP-Inside en présentant tout d’abord nos plus vives excuses à Eric pour avoir mis trop de temps à le publier et en vous disant que parfois, nous avons entendu les sceptiques prendre Eric Offenstadt pour un fou. Toutefois, il faut toujours avoir à l’esprit que derrière chaque grande réalisation, il y a toujours eu une grande idée imaginée par un grand penseur que souvent, les gens ont considéré comme un fou.
Eric et ses amis ont le courage de défier des années de conception classique de la moto et nous ne pouvons que lui souhaiter d’y parvenir.